TOURBIÈRES

La formation de la tourbe

Le processus de formation de la tourbe s’échelonne sur des siècles et consiste en une lente accumulation de débris végétaux partiellement décomposés dans des milieux humides appelés tourbières. Au Canada, ces milieux humides se sont développés après le dernier recul des glaciers sur des sols mal drainés et des dépressions peu profondes, et ce, dans des conditions fraîches, humides et pauvres en oxygène. L’action bactérienne se voit réduite dans ce type d’environnement, ce qui résulte en un taux de production de plantes qui dépasse le taux de décomposition. Au fil du temps, les débris de végétation qui se sont décomposés lentement s’accumulent et mènent au développement d’un dépôt de tourbe pouvant dépasser 6 mètres d’épaisseur, à certains endroits. L’accumulation de tourbe est d’environ 0,5 à 1 mm par année dans les tourbières canadiennes.

Site mal drainé sur sol minéral
Accumulation de
matières organiques
Comblement de 
la
dépression et consolidation
Développement de la
Morphologie bombée

LE RÔLE DES TOURBIÈRES

Les tourbières constituent des écosystèmes aussi riches que surprenants, car leur mode de fonctionnement est unique, tant du point de vue de leur hydrologie, de leur genèse que de leur sol et des communautés vivantes qui s’y trouvent.

Les tourbières réduisent les niveaux de pollution dans les écosystèmes aquatiques adjacents par le recyclage des éléments, le stockage de la matière organique et le captage des polluants dans l’eau. Bien qu’elles présentent une nappe phréatique élevée et sont souvent comparées à des éponges, les tourbières jouent un rôle limité dans l’atténuation des crues de leurs bassins versants en période humide parce qu’elles sont déjà saturées en eau. Cependant, en période sèche, elles peuvent contribuer à atténuer les crues estivales et soutenir les faibles débits des rivières en période d’étiage.

Puisque les tourbières accumulent la matière organique au fil du temps, elles représentent un important réservoir de carbone et aident à réduire la quantité de gaz à effet de serre dans l’atmosphère. Restaurer les fonctions naturelles de tourbières après la récolte de la tourbe permet ainsi de restituer cette capacité à emmagasiner le carbone.

Les tourbières offrent des conditions particulières : on y retrouve une grande variété de mousses, de plantes carnivores, d’éricacées et d’orchidées. Certaines d’entre elles sont aujourd’hui utilisées en pharmacologie. Les tourbières servent aussi de garde-manger, de lieu de nidification et de territoire de chasse à plusieurs mammifères, oiseaux et insectes. Par exemple, le campagnol-lemming de Cooper (Synaptomys cooperi), la libellule (Somatochlora brevicincta) et la paruline à couronne rousse (Dendroica palmarum) sont étroitement liés à cet habitat.

La tourbe est un élément prisé non seulement en horticulture, mais aussi pour d’autres usages. L’industrie de la tourbe horticole est un vecteur économique important dans les communautés où elle est présente puisqu’elle procure des emplois de qualité dans des régions souvent éloignées.

Les tourbières procurent de nombreuses possibilités d’activités de loisirs dont, entre autres, l’observation des oiseaux et la photographie de la nature. Un bon exemple d’utilisation récréative est la tourbière Mer Bleue située près d’Ottawa, la deuxième plus grande tourbière du sud de l’Ontario.

Les tourbières sont un parfait agent de conservation. L’analyse des strates superposées de tourbe permet de révéler des informations sur toutes les formes vivantes du passé. Par exemple, l’étude des pollens conservés dans la tourbe a permis de reconstituer les climats et les types de végétation qui se sont succédé depuis près de 10 000 ans.

LES TYPES DE TOURBIÈRES

Il existe principalement deux types de tourbières : bog et fen. Ces derniers diffèrent de par leur végétation, leur  hydrologie et la chimie de leur eau.

Les tourbières de type bog sont caractérisées par une végétation adaptée aux conditions d’humidité (nappe phréatique élevée) et au manque de nutriments. La surface d’un bog forme souvent un dôme et sa principale source de nutriments provient des précipitations et du vent.

Caractéristiques

  • L’apport en eau et en nutriments se fait par les précipitations (pluie et neige) et le vent
  • L’eau est acide (pH < 4,5)
  • La végétation est dominée par la sphaigne avec des éricacées et des résineux (mélèze et épinette noire)

Les tourbières de type fen sont caractérisées par une nappe phréatique élevée, mais avec un très lent drainage interne par infiltration le long des faibles pentes. La surface d’un fen est plate, ou en pente très douce, et elle reçoit de l’eau qui a été en contact avec le substrat minéral enrichi en nutriments dissous.

Caractéristiques

  • L’apport en eau et en nutriments se fait par les précipitations (pluie et neige) et par les eaux souterraines et de ruissellement
  • L’eau est acide à légèrement alcaline, avec des pH allant de 4,5 à 7,5
  • La végétation est composée de mousses brunes (de la famille des Amblystegiaceae) et de plantes herbacées (de la famille des Cypéracées)

RÉPARTITION DES TOURBIÈRES

Répartition des tourbières dans les provinces et les territoires du Canada
(superficie : Ha x 103)

AU CANADA

Les tourbières couvrent 113,6 millions d’hectares au Canada, soit environ 13 % de la superficie du pays, et elles sont présentes dans toutes les provinces. La plus grande concentration de tourbières se trouve dans les basses terres de la baie d’Hudson en Ontario et au Manitoba. Les tourbières sont également abondantes dans le nord de l’Alberta, au centre de la Saskatchewan, au Québec et dans les provinces de l’Atlantique.

Au Québec

Le Québec compte 11,6 millions d’hectares de tourbières, ce qui correspond à environ 8 % de la superficie de la province, dont près de 85 % se trouvent au nord du 51e parallèle.

Au Nouveau-Brunswick

Les tourbières du Nouveau-Brunswick couvrent environ 2 % de la surface terrestre de la province, soit une superficie totale estimée à 140 000 hectares.

Pourcentage de la superficie de tourbières par pays

Source : Xu, J., P. J. Morris, J. Liu and J. Holden (2017). « PEATMAP: refining estimates of global peatland distribution based on a meta-analysis. » Catena 160: 134-140. http://archive.researchdata.leeds.ac.uk/251/

DANS LE MONDE

Les tourbières couvrent une surface de quelque 423 millions d’hectares, soit 2,8 % des terres émergées (Xu et al., 2017). Elles sont plus répandues en Asie (38 % des tourbières) et en Amérique du Nord (32 %), suivi par l’Europe (12 %) et l’Amérique du Sud (11 %).

Le Canada comprend 27 % des tourbières mondiales et occupe le second rang des pays possédant le plus de  tourbières (après la Russie).

LA VÉGÉTATION
DES TOURBIÈRES

Dans les régions boréales et tempérées, les mousses de sphaignes constituent l’une des principales composantes de la végétation des tourbières. Elles y jouent un rôle particulièrement important en procurant à la tourbe les qualités qui en font un produit très apprécié en horticulture. Elles forment un tapis presque continu où d’autres végétaux peuvent s’insérer et croître.

Les plantes typiques des bogs :

Comme ces tourbières sont humides, acides et plutôt pauvres en éléments nutritifs, la biodiversité y est faible et composée d’espèces de plantes qui sont spécialement adaptées à ces conditions. Le bog est habituellement composé de mousses de sphaignes, d’éricacées (bleuet, petit-daphné caliculé, thé du Labrador, rhododendron), de plantes carnivores (sarracénie pourpre, drosera à feuilles rondes), de linaigrette à large gaine, de camarine noire, de canneberge et d’épinette noire.

Les plantes typiques des fens:

Les fens bénéficient d’un apport d’eau minéralisée arborant ainsi une plus grande biodiversité des plantes. On y retrouve des quenouilles, des herbacées et des plantes vasculaires ainsi que des arbustes et quelques arbres. Certaines des plantes retrouvées dans les bogs poussent aussi dans les fens. En fait, c’est la présence de plantes minérotrophes qui détermine si une tourbière donnée est identifiée comme un bog ou comme un fen.

LA VÉGÉTATION
DES TOURBIÈRES

Dans les régions boréales et tempérées, les mousses de sphaignes constituent une des principales composantes de la végétation des tourbières. Elles y jouent un rôle particulièrement important en procurant à la tourbe les qualités qui en font un produit très apprécié en horticulture. Elles forment un tapis presque continu où d’autres végétaux peuvent s’insérer et croître.

Les plantes typiques des bogs :

Comme ces tourbières sont humides, acides et plutôt pauvres en éléments nutritifs, la biodiversité est faible et composée d’espèces de plantes qui sont spécialement adaptées à ces conditions. Le bog est habituellement composé de mousses de sphaignes, d’éricacées (bleuet, petit-daphné caliculé, thé du Labrador, rhododendron), de plantes carnivores (sarracénie pourpre, drosera à feuilles rondes), de linaigrette à large gaine, de camarine noire, de canneberge et d’épinette noire.

Les plantes typiques des fens:

Les fens bénéficient d’un apport d’eau minéralisée et affichent une plus grande biodiversité des plantes. On y retrouve des quenouilles, des herbacées et des plantes vasculaires, ainsi que des arbustes et quelques arbres. Certaines des plantes retrouvées dans les bogs poussent aussi dans les fens. En fait, c’est la présence de plantes minérotrophes qui détermine si une tourbière donnée est identifiée comme un bog ou comme un fen.

Galerie de photos de
plantes de tourbières

Les sphaignes sont des plantes gorgées d’eau qui forment des coussins verts ou rougeâtres. Elles se composent d’une tige principale portant des rameaux (sorte de branches) qui sont couverts de feuilles. Le sommet de la plante, ou capitule, est formé de grappes compactes de jeunes branches. Le long des branches et de la tige on trouve des feuilles de différentes formes qui varient selon les espèces. Ces feuilles sont constituées de deux types de cellules : de petites cellules vertes et vivantes (cellules chlorophylliennes) et de grandes cellules structurelles mortes et transparentes (cellules hyalines). Ces dernières possèdent une grande capacité de rétention d’eau.

Les sphaignes poussent de 2 à 12 cm par année. Tout au long du développement de la plante, ses parties inférieures meurent et s’accumulent sous la surface pour former progressivement de la tourbe. Il existe plus de 160 espèces de sphaignes dans le monde.

Arborant des feuilles persistantes au revers feutré et orangé, cet arbuste se distingue facilement des autres éricacées des tourbières. Il atteint 50 cm de hauteur et possède de minuscules fleurs blanches, très parfumées et collantes qui poussent en grappes. Préférant les endroits plus secs, on le retrouve sur les buttes et à la périphérie des tourbières. Utilisé comme succédané du thé par les Amérindiens, il demeure encore maintenant un ingrédient recherché dans la préparation de tisanes.

Les droseras sont des plantes herbacées vivaces qui forment des rosettes. Le nom de cette plante vient des petites gouttes de sucs digestifs qu’on trouve au bout de chaque feuille. Cette plante carnivore piège et digère les insectes dont elle a besoin pour survivre. Le drosera pousse parmi les sphaignes dans les sols humides, acides et pauvres en nutriments.

La canneberge est une plante vivace rampante, au feuillage persistant qui forme des tapis de tiges ligneuses horizontales de 30 à 150 cm de long et des tiges florifères dressées sur lesquelles poussent de petites baies rouges. Cette plante a été utilisée par les Amérindiens à la fois comme aliment et pour ses propriétés thérapeutiques. Une espèce apparentée, la grande canneberge, fait l’objet d’une importante culture commerciale en Amérique du Nord.

Cette plante carnivore est très ornée par rapport à d’autres plantes de tourbières. À l’intérieur de la feuille modifiée en forme de cornet, une série de poils pointant vers le bas favorise l’entrée des insectes dans la cavité tout en bloquant leur sortie. Une fois piégés, les insectes luttent jusqu’à l’épuisement et se noient dans l’eau de pluie accumulée au fond de l’urne. La digestion des insectes s’effectue par l’entremise de bactéries présentes dans l’eau et fournit de précieux éléments nutritifs à la plante.

Cette plante herbacée de la famille des Cypéracées forme des touffes en hauteur de 30 à 60 cm qui ressemblent à des boules de coton. Cette plante est commune dans les tourbières naturelles, mais on la retrouve aussi comme plante pionnière dans les zones perturbées.

Ce petit arbuste arrondi de la famille des éricacées représente la plante vasculaire la plus commune dans les tourbières canadiennes. La face inférieure de ses feuilles est parsemée de taches de couleur rouille. Elle est considérée comme un héraut du printemps puisqu’elle fleurit plus tôt que toutes les autres espèces de tourbières. Cette caractéristique précise a donné à la plante son surnom de «Cassandre» en référence à la figure de la mythologie grecque qui pouvait prédire l’avenir, mais que personne ne croyait.

Le carex est une grande plante herbacée de la famille des Cypéracées. Le nom latin, carex, vient du grec kairo, qui signifie « je coupe », en référence aux arêtes vives des feuilles. Les carex ressemblent aux herbacées, avec leurs feuilles en forme de ruban et leurs petites fleurs ternes. Cependant, contrairement  aux herbacées, les carex ont des tiges pleines et triangulaires. Très communs, les carex sont une source de nourriture pour plusieurs espèces de mammifères et d’oiseaux aquatiques.

Les scirpes sont de grandes plantes herbacées au feuillage bleu-vert qui poussent dans les marais et les marécages. Elles forment de grandes colonies qui créent des sites de nidification naturels pour les oiseaux. Avec leurs tiges rondes et creuses, elles servent à produire une grande variété d’articles comme des tapis et des nattes. En outre, leurs rhizomes et leur pollen ont été utilisés comme nourriture par les Amérindiens.